Ils mangent dans le creux de leurs mains
Les entrailles de tout futur
Leur seule consistance
Ils la dévorent, et s'entre-dévorent
Mangent à la prunelle de leurs yeux
Les cris qu'eux-même étouffent
En clamant le silence
-Silence!-
Les cannibales repaissent
Et paissent, et broutent
Et craquent les os, broient la rumeur
Mais dans le plus doux silence
Se taire, et taire le mouvement brusque
Et taire le moindre coups de gueule
Qui n'imposerait que lui
Lui, celui qui se fige dans la gorge
Sous les yeux affamés
-Honte !-
Au repus quand dure la famine
Quand toutes les gueules ouvertes
S'entêtent à l'ignorance
Et clament le silence
-Silence! Silence!-
Et pensent former des mots
Pour empêcher le bruit
Mais ne font que du bruit
Pour couvrir les maux
-Silence!-
Et crient plus fort encore quand il passe une miette
Au travers de leurs doigts
Pourvu que les autres ne la voient pas
Pourvu que je fasse bien de crier le plus fort
D'étourdir de ma voix pour la garder à moi
-Silence !-
Que j'en fasse pitance, la prunelle de mes yeux
Et nul autre n'a de droit sur ce que j'ai en main
-Ma tendre prunelle, Silence !
Silence !
Ou le loup t'attrapera
Le loup te mangera
Il te faut faire silence pour nous éviter ça
Pour nous permettre cela-
Pour nous permettre de paitre
Et de nous glorifier
De paitre et de repaitre
Nous entre-dévorer
Pour nous permettre de taire
-Hurlons à l'Omerta!-