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7 septembre 2010 2 07 /09 /septembre /2010 14:53

hr_giger_landscape_XXVIII.jpgBIOGRAPHIE D'UNE CONCLUSION, INTERMEDE

 

 

 

La beauté de l'oeuvre, selon H.R. Giger

 

 

Le fantasme s'étale, avoué enfin. Il dirige le regard non sur la particularité de la toile, mais, de la particularité de la toile à l'inconscient du visiteur.

Il faudrait visiter Giger, comme l'on peut se visiter de l'intérieur, munis de figures fantasmagoriques, allégorie du drame de la délivrance (tant charnelle que spirituelle), et, tandis que le conscient suppose une analyse subjective de l'oeuvre, l'inconscient, lui, se laisse saisir à vif : sous la couche d'acrylique, dans le fond de la technique, au-delà de l'expression subjective offerte au jugement du visiteur, ce sont les entrailles de l'artiste qui s'exposent, dénuées de toute question d'objectivité.

 

Tous les artistes tendent à provoquer ce ressenti formidable : le visiteur, libéré de sa charge objective, se fait passager d'un univers qui n'est pas seulement celui de l'artiste, mais, fondamentalement, aussi le sien propre.

Giger a trouvé la porte, dirai-je spontanément à l'un de mes interlocuteur. Ce à quoi je dois répondre d'une explication : ce n'est pas la porte conduisant à son univers, mais celle qui permet de passer d'un univers individuel, à un univers collectif -car la mémoire embryonnaire guette en chacun de nous, à l'affut d'un échos à son ressenti fondamental, de si loin enterré que je ne m'étonne guère et de la fascination aphone de certains visiteurs, et de la simple absence de reconnaissance provenant des autres.

 

Giger a peint, sculpté, créé autant de créatures qu'il en faut à un univers équilibré, et l'on se souviendra longtemps d'Alien, ce monstre galactique dont la morsure inocule la larve parasite dans le corps de Sigourney Weaver, as Ellen Ripley, dans la saga du même nom.

Il faut s'attendre, au tournant des dédales obscurs du lieu, à voir surgir l'une de ces bêtes en résine, plongeant menaçante sur le visiteur déjà en proie à un remous intérieur dont l'intensité provoque une sensation pesante. Car il ne s'agit pas que de toiles, de figures en résine, mais de tout un lieu voué à l'univers de Giger, et créé par lui.

 

Si tous les artistes tendent à provoquer cette immersion de part leur oeuvre, chez celui-ci, cela ressort, bien plus que flagrant: réussi.

Il semble murmurer, de tout son être : « Entre donc dans mon univers, plonge en moi, comme si c'était en toi, mais ne t'arrête pas ! Tu n'es que le passager de mon vaisseau, et tout comme tu as été délivré de ta mère, tu te délivreras de mon antre. »

Il arrive effectivement la sortie, enfin, et sans la moindre photo du lieu : elles sont purement interdites.

 

La beauté tient là, entre le silence du lieu, la noirceur inavouable de l'enfantement tel que pourrait le ressentir le nourrisson, la brisure de la cloison séparant ce que l'on voudrait être l'univers d'un autre, et qui apparait, suffoquant, en lien étroit d'avec son propre univers ; l'immersion, comme un ressenti parasite inoculé par le monstre extérieur, le regard subjectif cherchant à tout prix à s'en défaire, et l'aveu final du visiteur, tandis qu'il respire profondément en arrivant à l'extérieur, repoussant enfin le nourrisson désavoué au plus profond de son inconscient.

 

Le passager, sans forcément s'en rendre compte, revit alors le drame de son propre enfantement. Tandis qu'il était, l'embryon, l'utérus et le liquide amniotique, univers indissociable et absolu, et que soudain son corps s'est mis à ressentir l'extérieur, comme autant de preuves qu'il n'était plus univers, mais être de chair, il a dû refouler au plus loin sa première mémoire, pour survivre à l'attaque psychologique d'une telle réalisation.

 

Visiter Giger, le sombre et machiavélique artiste, c'est une occasion unique de se rallier, pour quelques temps, à la mémoire enfouie de l'embryon, et d'observer son propre spectacle intérieur sur le parcours du musée. Âmes insensibles, s'abstenir...

 

 

Image : Landscape XVIII, 1978, par HRGiger

 

Liens : L'officiel site de HRGiger

 

Lola, le 07.09.10

 

Aller sur Les Mots de Lola

 

 

 

 

 

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15 août 2010 7 15 /08 /août /2010 21:54

CONCLUSION D'ENFER/3 

 

Je me lassais. La lassitude me menait en moi-même, je cherchais dans un miroir le reflet de mon être : Où suis-je ? Qui suis-je? Que suis-je en train de faire, de me faire ?

Les trois journées que j'avais passées sur les toilettes en compagnie de « La Nausée » -quel à propos admirable- me laissaient lasse, terriblement lasse et perdue.

Je me renvoyais l'image d'une moustache, j'arrêtais de penser, d'être. Le conard existait, moi, je n'étais rien qu'une moustache, et de surcroit la moustache dont se parait l'autre con.

Qui suis-je ?

Mon psy s'était mise en vacances de moi, moi je n'existais pas, j'allais de la cuvette des chiottes à Sartre, en pensant que cette nausée ne me quitterait jamais -jamais, c'est long quand on n'existe pas.

Mon psy avait été enjouée de ma rencontre d'avec trouduc', à dire qu'elle adorait les belles rencontres.

Je ne mangeais rien, je me vidais d'un rien qui existait de trop, et qui fondait miraculeusement au contact de la cuvette, en me laissant brulée de l'intérieur.

Le néant me consumait les entrailles, j'étais lourde de ne pas être, et mon psy faisait dans l'absentéisme.

 

Je tournais et retournais ce que je pouvais clairement énoncer de moi, les chiottes, le psy, le vide.

Qui suis-je ?

Est-ce que cette question avait déjà pris une telle intensité ? Je me demandais si j'avais déjà su y répondre, si, finalement, la question ne demeurait pas en suspens pour tout un chacun, pour surgir vivement à la moindre fêlure.

Je faisais dans le sadisme, j'étais ignoble d'une extrémité jamais envisagée, et ce « qui suis-je » venait me terrasser, comme un relent de conscience extirpé de la brulure de mes entrailles.

 

J'abandonnais la partie, lasse et défaite de moi-même, je refusais de rester une moustache. Que l'autre puisse à dessein me contempler sur son visage, marque d'une existence que je ne pouvais plus saisir, m'était devenu intolérable.

Je l'appelais, pour lui signifier que ma décision était prise. Au téléphone, il se battait encore, pris dans son -notre- délire.

Qui suis-je ?

Il m'importait moins de pouvoir y répondre, que de pouvoir répondre de moi. Qui j'étais n'avait pas tant d'importance que ce que je pouvais être. Je pouvais être la garce la mieux parée de l'univers.

Mais être garce me soufrait les entrailles d'un vide abyssal. Ce n'était pas moi que j'avais perdu, moi ne me garnissait pas de l'intérieur. Si je ressentais le vide, c'est que j'avais laissé l'autre s'extraire de moi. Qu'avais-je donc fait de l'autre ?

 

Je pouvais être forte. Plus forte que le vide.

Je m'étais foutrement rétamée sur cette rencontre : quelle partie de moi avais-je donc écouté, pour me pousser à anéantir la naïveté criminelle de l'autre ? La naïveté est un vide de l'esprit, on ne l'anéantit pas. On le remplit.

J'appelais conard pour lui signifier le terme de cette histoire. Je laissais ainsi le vide se remplir de la souffrance que connard pourrait pourvoir, et je m'effaçais définitivement de son délire.

 

Deux jours durant, une fièvre vaseuse m'empêtrait sur moi-même; la brulure persistait, mais rien ne coulait plus dans la cuvette, et la nausée parfois me laissait quelques heures de répit. Alors les questions fondaient à me rencontre, je les écartais vigoureusement. Il me fallait remonter la pente, mon corps enfiévré et sous-nourri réclamait le repos.

« Qui suis-je » revenait se frotter à mes rêves plongeants, tournait sur les visages tordus et souriants, coulait entre les silhouettes crémeuses, suait dans mes draps chiffonnés. Systématiquement, je repoussais « qui suis-je » dans la fêlure dont il s'était extrait. Ma cicatrisation, je la payais ainsi d'une question enfouie, d'un oubli... moi qui me battais continuellement pour ne rien laisser se terrer, je me trouvais à enterrer de gré une des questions les plus sournoises dont j'avais eu à répondre.

Il me fallait cicatriser; mes anticorps, rageurs, entreprenaient le déblaiement de mon corps ; ma pensée déblayait ce qui aurait pu nuire au travail acharné de mon être.

Je me relevais de ce combat, courbaturée et épuisée, au troisième jour.

 

Cela faisait une semaine que j'avais entamé cette stupide partie, et tandis que mes pensées se retournaient à leurs occupations régulières, j'envisageais enfin à quel point j'avais tenté de me nuire.

Me nuire...

Je badinais par SMS avec mon psy au sujet de la date de notre prochaine entrevue, et je pensais :« Quelle délicieuse rencontre. »

 

Mes pensées vagabondaient, je me remettais doucement du délire, et j'envisageais de tirer quelque expérience de cette terrible aventure. À la vérité, c'est un doute qui me prenait, tandis qu'éclatait l'image folle d'un bâtiment fabuleux.

« Qui suis-je? » en voûte sournoise, j'avais construit -me nuire- quelque chose d'une cathédrale à ma résilience, et je me demandais, en clôturant mon mémoire, si je parviendrais, dorénavant, à m'en barrer l'entrée...

 

Lola 15.09.10

Aller sur les Mots de Lola/Ville sombre

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13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 00:41

BIOGRAPHIE D'UNE CONCLUSION/3

 

Le lendemain matin, il était là, devant ma porte. Le chien aboyait, le poing du conard cognait sur le lourd battant de contre-plaqué, la gamine était à l'école.

« Ne me montre pas ton visage, ou je te défigure ! »; il venait présenter ses excuses, un bouquet de roses dans les bras. L'œillet faisait apparaître son front baissé soutenu de quelques rides sévères, ses yeux tombant sur le sol, et, bas et fin, son nez plongeant sur ses lèvres tuméfiées.

Tu vas en chier... dialogue surréaliste à la Godard, les deux protagonistes figés dans leur ressenti, chacun figé sur le palier de sa propre porte.

La porte était fermée à clé. Quelques jours plus tôt, la serrure me semblait superflue, et je pouvais rester trois jours sans la toucher. Aujourd'hui, la poignée se déclencha,et le mec resta collé dessus.

« Ouvre-moi, on peut parler en adultes, soyons raisonnables ? »

Je me hérissais davantage, il parlait d'un jeu qui avait mal tourné, d'une histoire stupide qui prouvait les sentiments qu'il me portait, d'un jeu...

 

Depuis la veille, je trainais mes jambes lourdement d'un bout à l'autre de l'appartement, je vivais en boucle sur une espèce de négation. Je n'ai pas pu vivre ça !

Et il venait s'appuyer sur ma porte, plus que le corps de conard, une lucidité agressive : Ce n'était qu'un jeu ; il n'était pas même foutu de mesurer la violence de son acte...

Intérieurement, je gargouillais d'envies funestes.

Je retenais mon corps, révulsé, d'ouvrir violemment la porte en riant de voir machin s'empaler accidentellement sur l'éminceur.

Je restais, nerveuse, entre la porte et le reste de mon appartement, dont j'avais entrepris un nettoyage gargantuesque, tandis que ma raison tentait de me convaincre : la partie ne fait que commencer, laisse l'affaire maintenant, tu t'écartes, et tu préviens quelques amis.

Intérieurement, je gargouillais sévèrement, murissant d'étranges équations : il peut parler de jeu, il ne sait pas qui je suis... il va en chier !

Je passais simultanément en mode conciliante : « Dégage, je t'appellerais plus tard! ».

 

Son foutu côté esprit supérieur rassuré d'être de la sorte considéré, il me laissa seule, enfin, avec ma porte, qu'il me faudrait tôt ou tard ouvrir : je décidais de la manœuvre à exécuter, tapais la première partie du mémoire, et laissais mijoter la sauce jusqu'à 23h.

 

Quelques jours plus tôt, il envisageait le nombre de nos enfants; ce soir là, il envisageait une simple entrevue. Elle lui fût refusée, en revanche, j'acceptais qu'il m'aide à trouver une roue pour mon vieux Mercier. Je m'offusquais presque de son engouement. Comme si je lui eus accordé une faveur, le voilà qui s'empressait d'accéder à toutes mes requêtes. Je l'avais envisagé plus affirmé, et sans doute devrai-je revoir quelques mesures de ma réponse, pour m'accorder à la mollesse de son esprit...

Il s'envisageait comme étant issu d'une race supérieure, traitant allégrement certaines ethnies de sous-espèces.

Il y a parfois chez les gens des énormités qui, de fait, n'apparaissent pas à l'œil nu : ainsi, chez machin, tandis qu'il admirait mon esprit, ma spécificité entière, et mon cul, et que nous dissertions quand à l'avenir de l'espèce humaine, jamais je n'ai eu l'idée qu'il se trouva supérieur en d'aussi larges termes. Qu'il ait pris conscience d'un certain nombre de choses, soit. Son passé était ancré au journalisme, aux guerres, à la prison politique, aux exodes, et je ne doutais pas de la qualité didactique de son vécu. Il y avait simplement, dans la façon qu'il avait d'en parler, une certaine conscience de plusieurs échelles humaines, distinguant certains êtres des autres, mais que rien n'attachait ni à une close raciale, ni à une concrétisation immuable.

 

Je l'appelais, et je l'entendais arguer de son évolution, de la chance que nous avions eu de nous rencontrer, et tous ses mots sonnaient dans ma tête, ça se juxtaposait comme une myriade d'éclats lumineux, retraçant, aux fluctuations d'intensité, le portrait exacte de celui qui me répondait.

Il pleurait pour sa queue, bandée en équerre depuis la veille, me soufflant la loi du Talion en guise de doléance.

Je restais gelée, cinglante, cynique. Chacune des appréciations qu'il faisait du reste du monde, je la retournais à son encontre. Et puisqu'il glissait si bien sur ce terrain, je provoquais d'avantage : j'observais son intimité mise à vif, son répondant mordu au sang, ses tripes ballantes et son phallus pris dans le cadre d'une porte dont il ignorait tout de l'antre sur laquelle elle s'ouvrirait, peut-être, un jour. Il s'ouvrait comme une orange en quartier, et je buvais la moindre goutte du jus qui en coulait.

Il ne me voyait plus, j'étais absorbée dans son égo ; je buvais chaque pression de son intimité, et lui rendais, goutte après goutte, l'écho de se qu'il désirait le plus au monde. Un écho que je prenais soin de disséquer, et de renvoyer démembré, agrémenté de quelques membres de mon crû.

Il glissait, buvait l'écho, s'empêtrait dans les rendus éparses, glissait de plus belle, et j'observais, satisfaite, le poisson avaler toujours plus profondément le fer.

Ma raison m'intimait d'arrêter le massacre, je passais outre.

Rendez-vous fût pris pour le lendemain matin : mon vélo ne pouvait attendre que ma raison s'accorde au reste de ma pensée.

 

Le lendemain, il trainait à nouveau devant ma porte. J'ouvrais, mon corps frémit au contact du sien ; il avait des roses dans les mains, quatre rouges et une blanche, de ces grandes roses qui ne sentent rien, et qui n'ont pas de piquant.

Il m'amenait de malheureuses roses, en gage de paix - « Demande-moi pardon et j'arrête »- me demandait de laisser parler mon intelligence, qui, il en était persuadé, me conduirait immanquablement à raisonner comme lui. Retour vif, sa raison me lassait de toute façon.

La mienne avait cessé de hurler, la nuit avait fait taire ses sollicitudes à mon égard, et je pouvais, raisonnablement, entrevoir le sort que je réservais à machin.

 

Je ne pense pas avoir concrètement voulu m'engager dans cette voie. Un mal de trop, un contre-coup maladif, et je devenais la sadique avertie qui se présente à vous. Je vivais, quelques heures plus tôt, persuadée d'être fondamentalement bercée de philanthropie, tant je possédais une foi quasi inébranlable en l'espèce humaine.

Machin, en quelques jours, avait jeté bas toute ma paix intérieure.

Une haine sournoise était sortie des décombres de mes croyances. La vengeance, froide et méthodique, devait emporter la moindre de ses convictions. Il allait en chier, il en chiait déjà, tandis qu'il m'accompagnait d'un magasin à l'autre, et que je snobais royalement chacune de ses tentatives pour ramener le dialogue.

 

Il prenait le pas, pressé de se montrer attentif et conciliant, heureux de raisonner si justement en ma faveur ; car il ne doutait une seconde être juste, et qu'il n'accordait cette faveur qu'à moi seule, l'être élue par son esprit supérieur. Il me dégoutait, tant il était toujours incapable d'envisager la violence qu'il avait commise à mon égard, tant ses paroles distinguées se prenaient pour l'égales des miennes...

Son cadre de dentelle tenait bon, et cela produisait sur moi un effet dopant hallucinant. Je visualisais cette dentelle, serrée, sur un esprit surchauffé qui gonflait à mesure que je le provoquais, comme le sexe en équerre que je devinais pousser dans le tissu de son pantalon. La douleur était là, dans le gonflement stérile de son phallus, dans la poussée fiévreuse de son égo, et je l'entretenais, serrée de plus belle à son intimité, en lui renvoyant vicieusement l'écho tant désiré. De moi, il n'eut pas une bride de substance, et je le flattais encore d'attendre ma décision quelques jours.

 

Je laissais un espoir, il ne pouvait, du haut de sa phénoménale supériorité, pas envisager que je l'abandonne.

Un serpent eut été plus retors à mes charmes, je me lassais déjà de la partie...

 

La conclusion se prolongeait au-delà du raisonnable, au-delà de la moindre conviction. J'avançais, non plus à tâton, mais à vif d'une orange écartelée.

 

Lola, le 13.09.10

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 21:27

BIOGRAPHIE D'UNE CONCLUSION/1 

 

 

Nous avons passé la journée ensemble. La veille, je lui signifiais qu'entre-nous, ce n'était qu'un lui qui imaginait une moi que je n'étais pas. Il a débarqué dans la demi-heure, les nerfs à vif. « Je ne me mets jamais en colère », qu'il m'avait dit quelques semaines plus tôt. Ce soir pourtant, j'abandonnai l'idée de le mettre à la porte, tant il me semblait décidé à rester. Pas d'affrontement, pas chez moi, pas en présence de ma fille.

Elle s'était endormie dans mon lit, et je pris mon temps pour la transporter dans le sien. Je tirais doucement la porte derrière moi, et signifiait au connard qu'on pouvait aller dormir.

 

Satisfaction énorme de savoir qu'il a passé la nuit à se tordre sur son membre. Aussitôt couchée, je m'endormais, jusqu'au retour salvateur de ma fille : un cauchemar l'avait ramenée contre mon flanc, aux alentours de 4h30, et deux heures plus tard, elle sautillait, tornade matinale, à retourner l'appartement.

Je me levais immédiatement, la jetais dans sa douche, préparais son déjeuner et mon café, l'habillais et l'envoyais promener le chien.

Le balcon offre une vue dégagée sur la petite pelouse après le parking, et je l'observais, attendrie, se faire obéir du gros. Les 20kg de la petite, résistants vaillamment aux coups de collier de la bête de 35kg, elle retournait parfois vers moi son grand sourire de fierté, en m'interrogeant de la voix :

« C'est là, maman ? Et là, je peux aller ? ». Sa première excursion en solitaire, ou presque, je l'admirais à bonne distance pour ne pas l'entraver de ma présence.

À son retour, j'ouvrais le store de ma chambre, satisfaite du 8h15 qui s'affichait sur le cadran digital de mon réveil-matin, entendant avec plus de satisfaction encore l'autre arguer d'un « Mais chez toi, c'est intenable, je dois absolument te faire déménager, tu te sens trop en confiance entre tes murs... ».

 

La journée était prévue depuis la veille au matin, et la gamine trépignait d'impatience. Le Vivarium, point central du programme, n'ouvrant qu'à 14h, je proposais d'abord quelques dessins animés pour terminer le déjeuner, ensuite nous nous attelâmes au pétrissage d'une bonne quantité de pâte-à-sel.

L'autre participait, la petite était joyeuse, et je dirigeais l'ensemble, glacée et moqueuse envers le connard, attentive et confiante envers ma fille.

À 11h, nous sommes parti promener le chien. Pendant qu'il vagabondait dans le parc, Camille embarqua la saloperie pour lui montrer sa nouvelle classe. Je les laissais s'éloigner, gardant un œil sur eux, et restait en compagnie du chien, qui pleurnichait impatiemment derrière la porte grillagée de l'enclos.

Un père formidable, j'avouais sans peine, et ma fille en avait fait son ami privilégié. Mais tu ne sais pas à qui tu as à faire... satisfaction encore, tandis que je sentais sur quelle pente lui et moi nous étions mis à glisser, et quel dénouement cela supposait. Pauvre con, tu ne sais pas à qui tu as à faire...

 

Nous nous étions retrouvés dix jours plus tôt, tandis qu'il rentrait de vacances, et que ma dernière conquête s'était volatilisée, prise d'oubli tardif. Histoire stupide, qui me menait stupidement aux urgences, les poignets sanglants, tandis que je suffoquais d'angoisse.

Once upon a time another story, to another mind.

En 10 jours, il s'était mis à envisager le nombre d'enfants qu'il me faudrait lui donner, le nombre de pièces que l'appartement commun devait comporter, et je le laissais faire, tantôt amusée, tantôt cinglante.

Ainsi, je n'hésitais pas à donner dans le registre satanique, son âme éduquée chez les jésuites prise dans la tourmente. So good satisfaction !

« Tu sais, machin, tu peux bien avoir mon corps ici, mais c'est à Satan que je donnerai mon cul après ma mort. L'amour éternel, c'est pas dans tes cordes... »

Je l'envoyais encore me balader chez Giger, cyniquement lasse de ses rapports au bien et au mal.

« Il ira en Enfer » qu'il me disait...

 

Alors oui, ce jour-là, je ruminais tranquillement la conclusion de notre histoire, regrettant tout de même qu'il n'ait pas admis la veille que son temps était mort, me poussant ainsi loin, très loin, des limites que j'avais posé à mes relations.

Il voulait jouer au maître, et pourtant ne maîtrisait pas le moindre centimètre de son énorme queue, il s'était mis en tête qu'il pouvait me dominer, mais était simplement incapable de dominer ses pulsions ; en un mot : il voulait jouer avec moi, et j'allais lui offrir la plus ultime partie de sa vie.

Oh que non, tu ne sais pas à qui tu as à faire.

Je rameutais enfin la troupe, remontais le chien, et nous partions manger au Mc Do.

 

Il revenait, toutes les 5mn depuis le réveil, sur la pente raide qu'il avait décidé de dévaler. « Tu seras mienne. J'y ai réfléchi : il te faut un maitre! ».

Il m'avait paru si raffiné... le raffinement cache forcément quelque chose de tordu, maintenant que j'y pense, je ne comprends pas comment je me suis laissée avoir à son jeu minable de spirituel endurci...

Quoi qu'il en soit, à chaque argumentation, je répondais invariablement du même contre-coups : « Tu t'en sens capable, petit maître ? C'est ton esprit supérieur qui te laisse le supposer, j'imagine... »

Et toujours semblablement confiante et disponible envers ma fille, nous arrivâmes enfin au Vivarium.

 

Visite splendide, je me prenais aux découvertes de la petite, qui courrait d'un terrarium à l'autre. Devant lui, je collais mon regard à celui de la vipère cornue, et tandis que je murmurais à la belle de m'embrasser, et que le serpent, agité par le mouvement de ma main derrière la vitre, venait se dresser face à moi en ondulant gracieusement, il me regardais, dubitatif (ou décontenancé). J'en profitais pour lui sourire, en lui disant que je trouvais la bête splendide, et que je m'imaginais fort bien pourvue d'une pareille paire de cornes...

Je reprenais mon jeu au terrarium du caméléon, la bestiole ondoyante, tendant vers moi son corps frémissant de funambule feuilleté, et je cherchais, loin de mon collant, à la regarder dans les yeux. Les yeux d'un caméléon sont insondables si l'on tente de les prendre par deux. Mais chaque œil, perçu en entité particulière, permet quelque chose d'un contact inter-genre. J'embrassais ainsi la bestiole du regard, qui s'était approchée de la vitre et de mon visage.

Il y eu encore le cobra commun, qui s'agita à notre arrivée, et que je n'eus aucun mal à dresser face à moi, et le cobra du Maroc, qui se mit immédiatement à gonfler, ouvrant ses yeux noirs en déployant sa gorge, alors que je caressais d'un doigt la face vitrée de son logis.

« Puisqu'il voulait sa partie... »

 

« IL » arguait encore, métronome d'une boucle fugace qui lui tenait lieu de raisonnable pensé, le bien-fondé de sa réflexion, et me dit même, alors que nous étions sur le chemin du retour, que mon âme avait eu de la chance de le rencontrer, se sauvant ainsi des flammes éternelles...

Je riais, en réponse d'un autre coups : « Je te laisse et mon âme et mon corps ; mon cul, mon esprit pour Belzébuth, et pour l'éternité... ». Il chauffait, son pantalon le laissait à l'étroit de la trique que j'imaginais monumentale depuis quatre jours que je me refusais à lui.

 

Arrivés à mon appartement, il s'infiltra par la porte, entre moi et ma fille. Il attendit que je la mette à la sieste.

Lorsque je revins au salon, où il m'attendait en ruminant, je lui sommais une dernière fois de quitter les lieux.

Il se jetait sur moi, m'emportant sur le lit comme si j'eus été de chiffon. Il ne tenait plus, j'avais eu raison de sa raison, et je riais encore tandis qu'il m'enlevait mes leggings. Je résistais, toujours en riant, jusqu'à ce que le souffle vienne à me manquer. Il avait dû mettre tout son poids, toute sa force, pour me maintenir à terre, et ma poitrine parvenait à peine à se soulever suffisamment pour permettre à l'air de me pénétrer. Essoufflés, quelques minutes passèrent ainsi, jusqu'à ce qu'il m'ordonne de lui pardonner. « Demande-moi pardon, et je te laisse ! ». Je répondis, hilare, de mon seul rire, et la colère l'absorba.

J'en profitai pour donner un coup de rein, il déséquilibra, relâchant suffisamment son étreinte pour que je parvienne à reprendre appuis. Je respirais enfin librement.

Il serrait si fort mes poignets que je ne sentais plus la moindre de mes phalanges. Je profitais de la chaleur et de la sueur pour glisser, et ma main libre frôla de peu le centre névralgique de son ambition à mon égard. Après quelques minutes de lutte encore, je terminais déculottée, ses doigts fouillant mon intimité. Il réitéra son injonction, profitant de ma douleur : « Demande-moi pardon! »

Je riais franchement, il déséquilibra à nouveau, et je passais, quelques instants, au-dessus de lui.

Il m'étreignait si bien que je ne pouvais prendre suffisamment de recul, et mes coups, brisés dans leur élan étaient aisément parés par connard.

En même temps, j'étais incapable de lui faire réellement mal, tant je craignais de le blesser : il y avait, dans la chambre d'à-côté, ma fille qui dormait. Je l'imaginais réveillée par les cris, assistant à la scène, ou encore, plus tard, les flics débarquant, l'un de nous deux grièvement blessé.

Aussi, tout ce passait dans le silence, ou plutôt, dans l'absence de bruit, quelques cris étouffés parvenaient aux lèvres, et se dissipaient aussitôt.

Durant une heure, il reprenait le dessus, fouillant mon intimité de plus en plus sauvagement, et à la cinquième injonction : « Demande-moi pardon ! », mon rire accusait la souffrance et l'épuisement, tout mon être révolté, scandant intérieurement : « Tu ne sais pas à qui tu as à faire... ». Et je forçais ma langue à articuler quelque parole assassine : « Tu n'es même pas maître de ta queue, connard ! ».

Il relâcha enfin son étreinte, épuisé, je repris mon souffle, calmement, et tandis qu'il s'abattait de l'ampleur de sa colère, affalé à mes côtés, je lui sautais dessus, calant mon genou sur sa gorge, l'autre jambe prise à son torse en bloquant ses bras, mes propres bras s'acharnant sur son visage et son torse : « Excuse-toi ou je te tue, je t'étrangle, je te massacre !!! ». J'eus le temps de percevoir un éclair d'incompréhension dans son regard, et la crainte de le blesser, de réveiller ma fille, reprit dessus. Je donnais encore quelques coups, mais ses bras libérés eurent tôt fait de me rétablir au-dessous de lui, et ses doigts cherchèrent rapidement à me violer encore.

Puis, d'un seul tenant, il cessa, se releva, remis son pantalon. Je restais couchée, observant connard se dégager lestement de sa culpabilité en chuintant, absent : « Je ne reviendrai plus, je te laisse à ceux qui ne veulent que ton cul ». Je répondais, calmement : « Tu ne sais pas à qui tu as à faire; je te jure que tu vas en chier. ».

Je riais à sa réponse : « Ils sauront tous quelle salope tu es ». Ensuite, il m'a laissée, tremblante, mes nerfs libérés criant de douleur ; je gagnais la cuisine, il tardait à quitter les lieux, et je fixais, à quelques centimètres de mon bras, le présentoir à couteaux : « Tu sors maintenant, ou je t'étripe! ».

 

La porte claqua sèchement derrière lui, je regrettais déjà les deux livres que je lui avais prêté.

Je roulais une cigarette, ma porte était verrouillée, la petite dormait, épuisée de la belle journée qu'elle avait passé.

 

Moins d'une heure plus tard, mon portable sonnait : Diego, l'ex gogo-danceur, réapparaissait à point nommé: depuis le temps que nous nous étions promis de nous revoir, il proposait enfin une date. Je le mettais rapidement aux nouvelles. « Tu m'appelles si il revient, de toute façon, je viens vendredi, on en parle tranquillement, le téléphone, c'est pas bon. »; sa voix assurée, son accent hésitant, me déliaient de la culpabilité qui me prenait quelques minutes plus tôt.

 

Satisfaction, non de vengeance. Connard était prévenu. On ne joue pas au dominateur avec une dresseuse de serpent.

Il en chie, le con, je l'ai vu, dans son regard, il en chie comme d'aucun n'a jamais pu en chier avant

lui. L'incompréhension furtive a laissé place, tandis qu'il s'enfuyait, à la terreur.

L'enfer, coco, c'est pas que pour les autres, demande donc au frère jésuite qui t'a éduqué ce qu'il pense de ton acte; et dis-moi, de tes valeurs, du bien, du mal, de la vérité, du mensonge, de l'enfer, du paradis, lesquelles es-tu encore en mesure de discerner; et essaye seulement de m'assurer que ta raison n'est pas en train de se rompre; dis-moi enfin, sais-tu à qui tu avais à faire ?

Mon cul à Belzébuth, conard, que tu ne verras plus jamais le monde sous le même angle!

Satisfaction, quelle conclusion tentante...

 

Lola, le 09.09.10

 

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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 00:31

  BIOGRAPHIE D'UNE CONCLUSION /4  -mars 2011

 

 

Costume trois-pièces noir, chaussures à pointes carrées cuir lustré noir, manteau ample. Noir.

Crâne rasé, lunettes rondes, type intello, peau lisse, noire.

Je laisse mon interlocuteur tergiverser en soliloque au bout de la ligne, a-t-il une police, oui, non. Je m'en fous. Une seconde, je sens mes paumes monter en hygrométrie. Je les frotte dans le revers de mon manteau. Sèches.

Costume trois-pièces me salue de la tête, et m'indique une direction de la main. Sa voiture se trouve de l'autre côté du parking. Je termine avec mon client, en profite pour discrètement souffler en moi-même, paupières subtilement entre-ouvertes le temps d'en cligner.

Le soleil brille franchement, dans le ciel dégagé que seul un printemps hâtif permet. Pas la moindre grisaille, pas le moindre smog pour entraver la brûlure gaie qui semble percer d'un mystérieux espace-temps pour venir se dérouler partout ou s'accroche mon regard.

« -Comment vas-tu ? »

Ma voix se pose également franche au soleil, comme décidée à percer d'un autre espace-temps celui de l'homme qui m'attend, noire silhouette découpée sur le bitume clair, sur le ciel clair, sur un morceau de trottoir sis entre un immeuble crasse et le bâtiment de l'assistance sociale dont il est responsable.

« -Je vais bien. »

Sur le toit du gargantuesque locatif, le drapeau communal remue faiblement, dépressif; un bus passe en couinant, dégorge et engorge aussitôt de pendulaires, et repart nonchalant; un tram, invisible, lance sa voix perchée pour signaler son arrivée; une vieille femme tire sans succès sur la laisse de son bâtard de bichon pour l'empêcher de chier sur le passage piéton.

La longue silhouette noire se déplie pour me tendre un coude. Je l'esquive adroitement en tendant un doigt en direction de la voiture.

«-Ta voiture est là-bas ? »

 

Sans répondre, il se met en marche à mes côtés. Silence.

« -Je vais arrêter l'administration.

-Tu t'es décidé ? Tu as trouvé quelque chose ?

-J'ai quelques propositions. J'attends de signer pour poser ma démission. »

 

Il m'écrivait, quelques mois plus tôt, les diatribes d'un fonctionnaire. J'ai gardé le texte. L'immobilisme des autres me touche, autant que la peur du noir de ma fille.

« -Tu n'as pas pris une ride. »

Je me demande comment j'aurai pu, en l'espace de six mois, prendre la moindre ride. Je repense à celle qui coupe mon front, apparue en quelques jours, peut-être moins, une année plus tôt. Plongée dans mes pensées, je ne cherche pas même à répondre. Silence, encore.

 

« -Quels sont tes tarifs ?

-Que proposes-tu, et pour quel travail ? »

Il réfléchit un instant. Sa lèvre supérieure vient étrangement s'appuyer sur l'inférieur, comme si sa tête allait vers sa mandibule. Il ouvre la portière, me laisse m'installer sur la place passager, et me tend un livre. « L'élégance du hérisson. »

« -Il faudra que tu le lises lentement, je te connais... c'est un texte qui se savoure. »

Je pense aux piles d'emprunt qui se forment entre mon vestibule et le pied de mon lit. Lire.

« -Un pro demande 25. Je te donne 15. »

Je m'offusque intérieurement.

«-Combien de pages ?

-Il faudrait d'abord retranscrire tous mes interviews... j'imagine que ça correspond à un millier de pages. Ensuite, trier, mettre en forme, romancer... 

-Et tu escomptes quoi au final ?

-Une centaine de pages... »

 

Je m'appelle L..... J'ai cessé de prendre des noms d'emprunt depuis quelques semaines. Je travaille dans le secteur de l'assurance. Je peux y gagner ma vie, sans avoir d'engagement fixe. J'ai bientôt 28 ans. Je ne supporte pas de dormir enfermée.

Depuis quelques semaines, je vis frénétiquement la demi-douzaine de personnalités qui, assemblées, donnent une espèce de conglomérat instable. Depuis quelques semaines, j'ai trouvé le moyen de donner à chacune d'entre elle une vie et une activité propre à son épanouissement.

Je me demande si le corps est prévu à cet effet. Une vie parfois suffit à buriner le plus parfait physique en l'espace d'une décennie. Mon physique, concrètement, s'il n'est pas à plaindre, n'a pas été épargné du débauchage propre à ma condition plurielle.

Je n'ai pas pris une ride.

Lui, si les rides lui sont toujours étrangères, a pris de la vitre dans le regard. Tandis qu'il est concentré sur la conduite, je remarque sa lèvre qui suit toujours le même mouvement inversé. Il m'apparait de plus en plus baisser la tête en buttoir sur sa mâchoire crispée.

 

Je réfléchis au tarif. À vrai dire, je réfléchis surtout au travail de secrétaire imputable à la tâche qui m'incomberait si j'acceptais le tarif.

Il peut passer sous l'égide du manque de professionnalisme la misère qu'il me tend, en grand prince, comme s'il eut s'agit de ma plus belle chance de percer, ni lui, ni moi, ne sommes dupes. Il ne confierait pas à une autre personne cette tâche, qui représente bien plus qu'un simple ouvrage auto-biographique.

Je réfléchis aux heures de retranscription d'interviews, aux accents forts qu'il me faudra déchiffrer, aux connaissances qu'il me faudra engranger sans friandise.

« -Et si nous allions chercher un panini ? Je pensais que nous pourrions le manger en marchant un peu plus haut... il y a une belle promenade sous le Salève. »

J'acquiesce en souriant, politesse rigoureuse acquise tandis que dans une autre vie, je cherchais le moyen de me dégager de toute valeur intellectuelle. Potiche, mon état reposoir par excellence.

« -Jacques a fait fortune dans les assurances... nous pourrions aller manger ensemble chez lui, il m'a longtemps suriner à ton propos... peut-être qu'il appréciera te remettre son agenda ? »

Le voilà à me tendre une nouvelle carotte. Sans dire non, je reprends la direction de la conversation.

 

Ainsi nous mangeons, finalement confortablement installés sur un morceau de prairie sèche, entre le pied du Salève qui domine de son corps roussi la campagne encore sombre, et la vue dégagée jusqu'au Jura, qui accroche un mince filet de nimbus à sa crête.

Nous badinons, sans longues phrases, au sujet de nos progénitures respectives, du temps magnifique pour la saison, de la mort des ruches. Il tente d'accrocher mon regard. Je ne le vois pas. Il me répugne atrocement. Il représente, à ce moment précis, toute la répugnance que je puis porter à l'être commun. Il est l'archétype de l'intellectuel opprimé et celui de l'être sexuel réprimé. Il est l'intelligence prise dans le stéréotype du fonctionnaire blasé. Il est l'immobilisme contraint, l'inconscience de son mouvement. Comme son visage, mû contre sa nature pour obtenir un semblant de visage commun -et je pense alors aux canadiens animés de South Park- il se meut à l'encontre de toute nature pour révéler un semblant de nature. Et cela m'exaspère. Je redouble de badinages pour contrer le grand néant qui se déroule entre-nous, qui se déroule soudain entre le Jura et le Salève...

Une buse tournoie en hurlant au-dessus des champs fraichement semés, plonge et reprend, désabusée, son envol ; un couple de pierrides du chou volète dans la brise fraiche ; la ville se fait entendre, lointaine, étouffée.

Je me sens seule.

J'accroche l'écran de mon portable, et signifie qu'il me faut à tout prix être ponctuelle pour la séance de 14h.

Il me conduit à travers la ville jusqu'aux bureaux, standing effroyable, moquette claire jusqu'au milieu des murs, sculptures post-tanguiennes incalculables et déséquilibrées en acier poli et café-dosette gratuit. Je lui en offre grassement un. Débarquer au bureau-high-standing avec un client-high-standing avant la séance blindée du mardi, j'ose. Et j'assume superbement le rôle de la femme sur-affairée.

« -Quand nous voyons-nous ? Samedi ?

-Avant mardi prochain, je n'ai aucune disponibilité.

Je le congédie, poliment, en le raccompagnant à son véhicule. Il me laisse encore un rouleau plastifié.

« -Un Giger ?

-Un Giger. »

 

Je m'appelle L.... Je vis quelque part entre le Salève et le Jura, sous les hospices de la toute puissante confédération hélvétique. J'ai arrêté de croire, quelque part entre le Salève et le Jura, que je pouvais m'étreindre d'une autre intelligence que la mienne. Il y a huit mois, un être a cherché Dieu quelque part entre mes jambes et mon inconcevable vision du monde. Il ne s'y est pas perdu. La vérité, c'est que je n'ai rencontré aucun être de plus de quatre ans qui ne se soit pas perdu en lui-même, qui n'ait pas forcé son visage à se mouvoir contre sa nature. Il y a huit mois, je croyais en l'être homme parce que je croyais en moi. Il est à la fois anodin et effarant de constater que l'homme ne mérite pas plus de croyance que mon chien, qui s'essaye, depuis quelques semaines, à sourire.

 

Tard, j'ai déroulé avec précaution la relique. Le Giger s'est étalé de toute son impudique voracité sous mes yeux. Il affichait les sexes maltraités de femmes bio-mécaniques, leurs viols machinaux.

J'ai ri.

Le cynisme n'est plus de mise.

 

""Elle courait.
Ses pieds dévalaient la pente, elle avait remonté ses jupes à mi-cuisse, le souffle court elle ne sentait ni la brulure dans ses poumons, ni la fatigue.
Elle courait.
Du village parvenait l'odeur âcre d'un brasier ignoble, déjà la fumée lui prenait la gorge, elle courait, plus vite, plus vite, il lui fallait rejoindre son fils, le village, plus vite.
Alors elle courait.

Des femmes, des vieillards, des enfants venaient à sa rencontre, la croisaient, en courant dans l'autre sens. La fuite. La vie.
Sa vie étaient en-bas, dans la vallée, dans le village d'où remontaient paniqués des habitants rescapés, blessés. Elle passait les fuyards, entendaient à peine leurs avertissements. Son fils. Son fils était resté au village, il était le dernier de ses enfants. Il était alors toute sa vie, elle courait alors pour lui à la rencontre de la milice et des hommes à machette.

Un dernier homme debout, le bras coupé au coude, tenta de la retenir. Il n'y a plus personne, sauve ta vie, fuit."

 

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21 juillet 1983 4 21 /07 /juillet /1983 11:11

 

 

 

LA MEMOIRE DES ANGES

 

Si Dieu mourait à chaque mémoire bafouée

 

 

J'avais quelques mois lorsque je me mis debout. Cette stature me permettait hauteur d'homme, hauteur de table, hauteur de toutes mes prétentions, hauteur de toutes mes espérances. Car, couchée ou sur mes genoux, je me trouvais trimbalée entre bras, visages, et poussettes, chaises, lits, tapis, couvertures, et canapés. Or, si la moquette, où ma bave se répandait, mon petit visage absorbé par les reliefs ocres et marrons des poils épais, m'avait suffi un moment, si les brins de verdure, dont les verts me fascinaient, et que je mâchais allègrement, dans l'odeur amer, acide, et humique de la terrasse valaisanne, m'avaient occupée les premiers mois de ma vie, il y avait eu, déjà, à mon goût, bien trop de gestes intransigeants à mon égards.

 

Ainsi, j'avais pris la décision de me tenir sur mes jambes, imaginant naïvement que de cette hauteur, je serai en mesure de récupérer ma liberté.

Car j'étais née libre et l'égale de mes grands semblables, et ne comprenait pas qu'ils puissent à ce point ignorer ma nature, faite de curiosité, de découvertes, et d'incomparables envies d'envol.

Je profitai du début de la saison estivale et des pentes ardues de mes combles pour m'élancer, la montée me permettant, magique, de me redresser, la descente laissant mes jambes, simplement, rattraper le poids infime de mon corps. Sensation extraordinaire, j'égarai quelques heures le regard possessif de ma mère, et mon père, dépossédé déjà, portait un sourire merveilleux face à sa panique.

Pour dire, quelle déconvenue lorsqu'il me fallut, en septembre, retrouver les trottoirs lisses et plats, durs et rugueux, crasses et cruels, de ma cité d'origine...

 

 

 

Malheureusement, j'appris vite à m'attacher aux longues jambes maternelles, son regard et ses mains intransigeantes m'obligeant à rompre d'avec mes illusoires escapades physiques.

Je prenais donc la décision de m'échapper d'une autre manière, mon langage à peine fonctionnel, et dans mon imaginaire, mon silence pour le protéger, m'attachais au regard des grands oiseaux sombres qui planaient, si haut, dans le ciel, si particulièrement bleu, de mes montagnes.

Les grands corbeaux, alors, étaient encore visibles, en couples serrés, en individus sans frontière, et se perchaient volontiers aux abords de notre demeure, dans les grands mélèzes, pris de leur parure automnal.

Le bleu roi, et l'or, et le noir, furent ainsi nommées Liberté par la petite sauvage de treize mois que j'étais, récupérant doucement les habitudes citadines, tandis que mes jambes, précoces, prenaient en force sur les terrains clos et plats de ma résidence hivernale, où une nouvelle fille vint me rejoindre, en octobre, poussée par l'insatiable besoin de contrôle de notre génitrice.

Avait-elle compris que je n'étais pas de nature malléable ?

Cherchait-elle, encore, à rompre mon père en d'inavouables férocités manipulatrices ?

 

Pour ces questions, je ne peux me résoudre qu'à mes propres souvenirs, elle décédée à trente-sept ans, et mon père, émotif et rationnel, se forçant à nous laisser notre deuil, dans une colère alcoolique sans borne, écrasant nos corps de coups, mais sans jamais tenter de nous dissuader d'un amour vénal inévitablement engendré par les aspects pulvérisateurs de l'amour de notre mère, repris par la douleur de sa propre mère, qui n'était plus qu'un regret coupable et qui s'ingérait quotidiennement dans nos vies.

 

Combien d'années ai-je mis à recouvrer la mémoire ? Combien de tentatives mortelles n'ont pas abouties, avant de retrouver, cachées au plus profond de mon être, les couleurs de mes premières désillusions, et les courses folles que j'entreprenais avec mon paternel, sous les reproches lancinantes de cette femme destructrice ?

 

Glorieux souvenirs.

À la naissance de la cadette, je subis les assauts d'une névrose amplifiée encore par la révolte hâtive du nourrisson.

Refusant tout contact avec le monstre, refusant toute nourriture, refusant tout repos, la chétive fillette fût délaissée des jours entiers, attendant douloureusement le retour inquiet et salvateur du père, qui s'occupait alors de son hygiène et de son biberon.

Du reste, aucune photo d'elle, avant son sixième mois, n'apparaît nul part, et si l'album familial regorge de prises indécentes de mon allaitement, le sien fût condamné par essence.

 

Car, ma mère, prise à la fois de revers par la seconde, et délaissée par le silence de la première, redoubla d'effort pour rompre le seul être sensible et contraint par ces manies.

Lui physiquement inattaquable, je fût alors, six monstrueux mois, la décharge et la possession toute trouvée. Tandis qu'il se crevait en d'interminables allers-retours, en d'interminables heures d'angoisse, elle, terrible, me rompait physiquement, incapable de me rompre d'une autre façon, mon ciel et mes oiseaux noirs présents envers et contre toutes les douleurs et tous les barreaux du monde.

Il y eu, après tant et tant de coups, l'ultime décharge : une mise à mort échouée par chance, moi, âgée de vingt-et-un mois, jetée violemment contre le bois de mon lit-prison, mes cervicales glissées, mes épaules prises de revers.

La douleur physique n'a pas de mémoire.

Et j'en remercie mon corps.

 

C'est la génitrice de ma mère, forcée, qui finit par prendre en charge la petite chose colérique, et une année durant je perdais de vue ma sœur, me poussant, jour après jour, à l'oublier, notre révolte commune dans le même mouvement, et ma mère, obligée, finit par calmer ses assauts afin de récupérer sa chair.

 

Combien de preuves m'a-t-il fallu pour me souvenir ?

Combien de gestes auto-destructeurs ai-je commis pour ne pas me souvenir ?

 

Aucune trace d'aucun contrôle pédiatrique, l'accident intolérable fût contraint au silence.

Je prenais la décision, poussée mais encore sans mémoire, après des années de faiblesses, torticolis, maux de tête, pertes de sensibilité diverses et variées, d'aller chez un orthopédiste, qui pris grand soin, à la sortie des radiographies, de me faire admettre qu'il était impossible de déterminer la cause et l'ancienneté des traces de fissure présentes sur les os de mes épaules, ni l'origine naturelle ou accidentelle de la croissance biaisée de J1, la fondamentale base cervicale, qui, de fait, se trouve construite davantage dans un losange que dans un rectangle, provoquant son glissement à chaque effort quotidien ou tension nerveuse.

 

Si les meurtres physiques s'étaient tus, c'est moi-même qui était la cible, ma sœur revenue, des tentatives infanticides. Intolérante à l'égard de l'enfant qui lui avait été retiré par la famille, elle se gardait bien de nous écraser sans mesure, les claques et punitions variées rythmant notre quotidien.

 

Dès son retour, la cadette refusa la nourriture. Ma mère, ignoble, la gavait alors de force, provoquant étouffements et hurlements à chaque repas, me forçant à ingurgiter moi-même le contenu de mon assiette au plus vite. Je fuyais alors la table, demandant à aller me laver les dents, ce qui provoquait la joie de ma génitrice.

Cependant, je prenais du poids, et elle profita de nombres invitations pour me rabaisser, clamant ouvertement que j'étais grasse, et que je me passerai donc d'une part égale de dessert, coupant à chaque fois dans mon assiette la moitié des délices sucrés pour les rendre au plat.

Et se furent mes envies de ballerine, moi si souple et légère en mon âme, qui furent le point de pression le plus douloureux de mon enfance, ma mère, moqueuse, soulevant mon pull : « Tu aurais honte de ton corps, c'est intolérable ».

Ainsi ma légèreté s'en fût, lorsque j'avais trois ans et demi, définitivement de mon enfance.

 

Pour mes cent-soixante centimètres, je pesais ainsi, lorsqu'elle mourut, plus de septante-sept kilos, et tombai, après mon départ précipité du domicile monoparental à l'âge de dix-neuf ans, pour presque cent-huitante centimètres, à moins de cinquante kilos.

 

Je n'ose davantage étaler les conditions ignobles de ma croissance.

Non qu'elles insupportent, je les ai remises à leur place, et ne nie plus rien de ce monstre qui fût ma mère, et qui laissa, emportée trois fois par trois cancers consécutifs, trois enfants, un petit garçon venu compléter la servitude paternel cinq ans après ma naissance, démontés, le père lui-même incapable de pardonner, et pourtant, tout dans l'amour résigné à ma mère, tout dans l'amour résigné à son rôle protecteur et nourricier , tout dans l'oubli et dans la colère, auto-destructive et incapable de récupérer Ses enfants, qu'il ne pu, évidemment, pas retrouver, tant les premières années furent au seul contrôle de ma mère.

Entre lâché-prise et révoltes, l'alcool et les coups furent ses seuls langages.

Je ne dirai rien de plus.

Ma fratrie réclame l'oubli, encore, peut-être toujours, et je ne puis aller à l'encontre de ce besoin destructeur, ô combien révélateur à mon sens, le seul qui me convienne, et qui probablement ne conviendra, d'entre nous trois, jamais qu'à moi.

Ils haïssent encore le seul visage qu'ils puissent haïr en-dehors d'eux même.

Pousser alors au souvenir risquerait de les tuer, risquerait de me prendre le seul moyen que j'ai de les soutenir. Rester droite, et dans le silence.

Une tombe.

Et mon père, le premier, s'y recouvre entier.

 

Combien de souvenirs pour récupérer le dieu soleil de ma première année ? Pour récupérer les courses libres ? Pour récupérer le regard clair et aimant ? Combien de psy, tous dans le présent sans jamais revenir sur mon amour à ma mère, convaincus du coupable dit en mes propres mots, mon père ? Car ses colères laissaient des traces visibles, l'abandon qu'il finit par nous offrir nous mena entre foyers et rues, tandis que l'ignominie pardonnable de ma mère n'avaient laissé que le silence et l'oubli, sa mort prématurée nous poussant à un amour sans ombre ?

 

La mère de ma mère elle-même décédée, je ne pourrai jamais être certaine de l'origine de sa démence. Mais je sais, profondément, que le monstre ne naît pas sur terre. Il naît dans le massacre des mémoires, dans l'abnégation fondamentale de l'être libre et combien puissant et égal qu'est l'homme dès sa conception.

 

Alice Miller avait raison.

Et moi...

Je suis un Dieu, comme vous et moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques notes plus douces

Pour croire en si demain

Sous nos paumes que l'on pousse

À se joindre un matin

 

 

Il avait son visage

Éteint

Sans fin

Et de chaque horizon

Serpents

Si fins

Leurs langues

Glissantes

Jusqu'au sombres langages

Les yeux sont creux

Ils parlent de lui-même

Retiennent pris à l'os

L'image toute semblable

 

Un autre visage éteint

Reproduisant sans fin

Les orbites luisantes

Les os parfois cuisant

Les phares d'un toujours creux

Qui se cache vaniteux

 

Au plus profond de lui-même

Sa langue dit de même

Parle de toutes faces

Sous toujours la même face

 

Jamais ne change

La guerre est en moi-même

Sous millions coups de pioche

Et même jusqu'à l'os

 

Inconscience maladive

D'être semblable au pire

De chercher l'avenir

Sous les peaux et les roches

 

Sifflent les bêtes sordides

Les longues décharnées

Ressacs et volontés

Des culpabilités

 

Il me faudrait fouiller

En dehors de mon crâne

Aimer la bête lisse

Qui sans cesse me glisse

Entre les doigts

 

Attraper mes phalanges

Les forcer à me rompre

Briser tout mon entier

Pour enfin me répondre

 

Je ne suis plus dehors

Qu'un spectre dépassé

Les autres qui sont morts

Je les ai délaissé

 

J'ai touché à mes doigts

Ma langue s'est perdue

J'ai fouillé devant moi

Pour me tirer dehors

 

Il peint la guerre dehors

Son cœur est mort

Il cherche peut-être encore

Une porte sans ressort

 

 

Il peint la mort dedans

La guerre qui porte la mort

La mort qui peint la guerre

Et lui si froid qui dort

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Demeure.

 

Le Néant, et l'Eternel Agitateur, à la fois le Supérieur et l'Inférieur, demeurait.

Il donna et pris la Solution.

L'Origine ainsi le fit, et ainsi fût faite.

 

±0

 

Origine

La Solution

 

Cela ne se nommait pas, et cela portait à la fois les noms de toute chose. C'était Le Résolu et l'Absolu.

C'était le Stable.

 

En Infini le Stable était à la fois le Supérieur et l'Inférieur de L'Eternel et de l'Agitateur.

 

 

±1

 

Entité

Le Gage

La Science

Le sens premier : le Sentiment.

 

L'Eternel Agitateur, Inconscient de Conscience, s'engagea alors dans la Solution, qui s'imprégna du Sens Premier que l'Eternel portait en lui, lui donnant le Ressentiment et l'Assentiment, et l'Agitateur, Conscient d'Inconscience, s'en dégagea, libérant la Solution de son Sentiment, laissant à la Solution son Sentiment, donnant à l'Origine la Conscience et l'Inconscience d'être Unique, donc Seul et Solitaire.

 

Et ceci donna l'Être, ceci donna UN et son contraire.

UN était l'Instable.

Un ne demeura pas.

Il était à la fois le Supérieur et l'Inférieur de l'Origine.

 

 

2

L'Energie.

Les sens seconds : la Vue et la Mémoire

Le Spectre : l'Aspect et le Respect

 

 

Entité, Solitaire et Seule, creusa alors en elle-même pour porter le Sentiment, et dans une Addition de lui-même, Un fit l'Energie, la Lumière et son contraire, le Temps.

 

Ceci donna le Spectre, la Vue et la Mémoire, et ceci donna l'Aspect et le Respect.

Le Spectre était le Supérieur et l'Inférieur de l'Entité.

 

 

3

 

 

Les énergies jumelles et contraires que DEUX contenait, cherchèrent alors à se soustraire l'une à l'autre, Soustraction tout à la fois Origine, Entier, Mouvement,

Cela fût et fit le trois, Ainsi, le Son, fut créé, projection de vint, premier et Un ne garda que l'Inconscience de Tout, et Deux ne garda que la Conscience de Tout, soustrayant alors de leur chaque entier l'autre, et la Matière et son contraire, l'Anti-matière, et le Son et son contraire, le Silence, nés des deux, conservèrent en leur sein l'impression des deux à la fois, continuant de croître, exprimant dans les contraires qui ne pouvaient simplement s'additionner pour se rassembler, ni se Presser pour se réunifier, et fût Mouvement, à la fois Impression, à la fois Expression, dans la controverse de l'alliance si terriblement destructrice, si magnifiquement constructrice, si Tout Unique et Tous Plusieurs à la fois, si chaque et chacun à la fois en à la fois,

 

Trois, alors, à la fois conscience et inconscience, solitude et emplitude, en Trois et Infini dont le premier avait fait d'Un, Deux pour tenter de récupérer l'Amour du Dieu des dieux, dont il ne restait en Trois seule qu'une infime parcelle ressentie, Trois Imprima Multiplication, et Exprima Division, dans le Mouvement tendant à l'infini de récupérer l'absolu Amour, puisque Un avait donné Deux pour y parvenir, cela devait être le But, de ces deux opération tentant de trouver dans l'infini Alors trois se divisa à l'infini, Matière Unique se faisant, en s'éclatant, chaque matière.

 

et pour la combler, Trois pensa multiplication, allant ainsi à l'infini des multiple d'une part ressentie amour, un absolu entier Amour.

 

Alors trois se divisa à l'infini, Matière première se faisant chaque matière,

 

 

 

 

 

 

Mon cœur enfin confiant, ce sont des larmes claires

Une maison pleine d'enfants, sauvages, et qui tant s'aiment

Qu'ils ne sont pour les autres que rires et raisons

Toutes aussi en lumière dans chacune maison

 

Alors je vais en paix, dans l'avenir si lourd

Qu'une poignée d'illusion retient à sa misère

Je pousserai des enfants à croire en leur pardon

A croire en leur raison, la seule qui me parvienne

 

Et d'enfant en enfant, les autres dans leur guerre

Se demanderont peut-être comment passer sur terre

Sans rompre et sans blesser la plus belle rencontre

Leur chair enfin au cœur de toutes les chansons

 

J'écrirai à nouveau, dans les cercles des cercles

De tant de beaux visages, de tant de grandes maison

Qu'elles n'auront plus de portes, chacun pris en lui-même

Sans crainte et sans regret, aux autres pris de même

 

Il nous faut tant de gestes, tant de force et d'amour

Pour briser sans souffrir les chaînes d'illusion

Les mots lancés au même qu'ils frappent ou qu'ils rassure

Enchaînés à nos monstres, ils ne peuvent plus y faire.

 

Il nous faut tant de force, d'amour et de raison

Que les mots si ballants nous rendent défaillant

Chacun allant se faire dans l'exemple raison

Son cœur, bien qu'absent, répondant chaque jour

 

« Je n'aurai plus de chaine, plus d'autres et sans maison

A chaque carrefour ce seront cent maisons

Cent lèvres et cent regards qui tous en direction

Trouveront à mes lèvres sourire et nul pardon »

 

 

Sourire et nul pardon.

 

L. A-Z

 

 

 

 

 

 

LA PETITE FILLE AU COCHON

 

Les parents s'étaient mariés dans l'urgence, la grossesse montrant son ventre de mère, et le père soucieux de l'image ordonnée de la constitution familiale.

 

Laure était donc arrivée, cahin-caha, quelques semaines après le mariage civile, rapidement suivie d'une sœur, tombée dans la famille par manque de précaution, la lactation, décidément, n'empêchant en rien la conception.

 

Autant dire que le mariage avait été cousu de bonne volonté, et célébré sans fioriture, les moyens financiers limités et passés en langes et berceaux provisionnels.

 

Ainsi, quatre ans s'écoulèrent, et ce n'est qu'en été 87, quatre ans après l'arrivée du premier bébé, que les noces furent correctement célébrées, avec en point de mire un porcelet broché, offert dès sa naissance au couple par un ami paysan.

 

Quand le porcelet, ainsi offert, fut présenté, il atterrit dans les bras de l'ainée, amoureuse immédiatement de sa peau tendre et douce et chaude, fixée dans son regard coquin et vif, attendrie par son aspect et sa présence si proche de celle de soeur, alors âgée de moins de trois ans.

 

Il lui fut donné le nom de Julien, et déposé chez le paysan, la grosse chienne de la cour se le vit confié, les porcs déjà en élevage bien trop vieux pour tolérer un nourrisson, qu'ils auraient dévoré avant la fête.

 

Julien et la chienne passèrent de longues heures ensemble, à jouer, manger, d'abord le cochon apprenant à une vitesse folle les tours de la chienne, déjà vive, puis la chienne apprenant du cochon les tours qu'elle aurait été incapable d'imaginer seule.

 

Les parents, proches du paysan, visitèrent souvent ce duo peu commun et touchant, accompagnés de leurs deux filles. Laure aimait partir à leur trousse, ravie d'avoir un compagnon de jeu plus alerte que sa soeur, et trouvait du plaisir à chercher les glands, courir après les poules, en compagnie du porcidé joyeux, qui lui-même se trouvait enchanté de trouver en Laure un compagnon de jeu plus alerte que la grosse vieille Doly qui lui tenait compagnie quand le fermier travaillait aux champs. Car, dans l'absolu, il n'aimait rien d'avantage que les paroles douces et chaleureuses de ce bonhomme, et avait appris à se tenir assis devant l'entrée de sa maison, tandis qu'il préparait son repas, choisi parmi les restes et les victuailles fraiches du foyer.

 

Car le paysan s'était aperçu de l'originalité de la bête, et prenait plaisir à le soigner, à le pourvoir en nourritures exceptionnelles, tant que son chien n'aurait prétendu avoir été un jour traité avec tant d'attention.

 

Mais il était destiné à la boucherie, son potentiel carné d'avantage mis en valeur, après six mois de soins vigoureux, que sa valeur intrinsèque d'être.

Alors, quelques jours avant la fête, les parents, toujours accompagnés des deux soeurs, retrouvèrent une dernière fois le duo, qu'ils séparèrent vaillamment, le fermier parti se cacher pour pleurer loin de la cour, et les deux fillettes tétanisées par l'horrible angoisse du porc, à l'aide d'un sac de jute, qui, une fois plein de cris déchirants, se trouva, remuant et toujours déchirés, sous le siège arrière du Patrol, sous les jambes paralysées de Laure, qui souffrait au moindre cri de l'animal.

 

Le trajet...

 

La première partie ne fût qu'un long cri de peur d'animal, et de révolte d'enfant, outré, déchiré, par l'aveuglement de ses parents, qui répétaient que le cochon ne pouvait pas avoir peur, qu'il n'aimait simplement pas être dans le sac.

Le point culminent de l'affaire arrivât à mi-chemin, lorsque Laure, absolument révoltée, proposa à sa mère de manger le chat, ou sa soeur, plutôt que le cochon.

Une réponse vigoureuse et baffée lui signifia la fermeture absolue de ses parents à la proposition, et Laure, repliée d'un seul coup, s'imagina sautant du véhicule en marche pour stopper l'hérétique mouvement parental.

 

L'animal, lui, avait arrêté dans le même instant de hurler, et s'était mis à pleurer, presque silencieusement, et Laure, accablée, lui demandait pardon. Elle ne pouvait mourir, bien que la cause fût noble et sincère, et fit la promesse de trouver un jour le moyen de faire comprendre au monde la beauté d'un animal aussi injustement traité.

 

Dans l'abnégation de ses parents, le cochon mort, bouffé et fêté sordidement. l'assiette de la fillette pleine qu'elle fût obligé d’entamer avant qu'une main secourable ne se permette de venir divertir les parents de son sort, la fillette décida, incapable d'admettre la seule raison parentale, d'apprendre ailleurs d'autres réponses. Elle se mit à lire, rapidement, tant et si bien qu'au Noël de la même année, âgée alors de quatre ans et cinq mois, elle parvenait à déchiffrer les livres de la bibliothèque familiale, presque en secret. Ce qu'elle trouva alors de contenu l'obligea au silence, presque grotesque. La naïveté l'avait poussé à croire que la bibliothèque parentaler contenait d'autres raisons que la raison parentale, et son âge, et sa condition d'enfant, la poussèrent, jour après jour, à refuser la confiance qu'elle portait en et à son coeur.

 

Le paysan, touché, ne produit jamais plus de porc, et la chienne, blessée, se laissa mourir en quelques mois.

 

Laure, silencieuse, parvint à son premier jour de classe. L'éducatrice demanda à la mère si l'autisme de sa fille ne demandait pas quelques soins, Laure marchant automatiquement dans le fond de la salle au premier jour, en direction des puzzles, plutôt qu'allant à la rencontre des élèves si beaux et si joyeux qui faisaient classe. Elle n'avait plus qu'une chose qu'elle n'avait pas du anéantir, sa logique, son plaisir à résoudre des puzzle, les autres, si autres, forcément pris dans le même délire que ses parents, et finalement, elle, si elle, forcément dans l'erreur.

 

Il lui fallait rallier cette optique de l'animal pour ne pas se jeter d'une voiture, pour ne pas sauter d'une fenêtre.

Parce que, en plus d'aimer un cochon d'avantage que sa soeur, Laure se découvrit suicidaire, et son envie de mourir, face aux autres, lui semblait profondément méchante, mal, mauvaise, inappropriée.

 

Insomnies, boulimie, son corps refusait dorénavant de suivre les ordres parentaux, le coucher et le repas point de mire d'une éducation pédagogique douce, et son vocabulaire exponentiel brimé par la révolte, elle se contentait d'exprimer en quelques mots ses besoins, et ne posait plus aucune question, ne cherchait plus à comprendre... elle lisait, toujours autant, mais dans l'optique de se remplir de l'émotion et de la "vérité" normale, et le faisait avec tant de méticulosité, acceptant de prime abord le moindre ordre supérieur, qu'elle passait pour sage et sans problème, à peine fermée sur elle-même, à peine touchée inattention, tandis que son cerveau, dorénavant, le cœur fermé, seul maître à bord, élaborait de longues et monstrueuses solutions pour parvenir à se rallier à la norme.

 

Ne pas succomber, tandis qu'à cinq ans ses camarades de classe s'amusaient avec les vers de terre, elle détournait le regard, consciente de l'importance et de la magnificence de la vie, et se répétait que, dans cette mascarade, elle trouverait un jour de quoi vivre sans se soucier de la vie, puisque les autres étaient tous du même avis, et qu'elle était l'étrangère qui devait s'adapter... puis la différence qui fallait adapter.... puis la folle qui devait se guérir.

 

Jamais.

 

Bien des années plus tard, dans un geste absolument lucide, elle s'autorisa la mort. Un manque de confiance chronique l'avait envahie, doutant d'elle-même, les autres tous regroupés sous le même étandard, contre elle-même, qu'elle même cherchait encore douloureusement à bannir de toute existence.

Les questions essentielles s'étaient accumulées, les doutes l'avaient envahie, et, malgré sa sensibilité si juste, elle ne s'autorisait plus aucune vérité.

 

Toujours.

 

Regardant la mort dans les yeux, dès ses quatre ans, elle avait chercher dans l'absolu ce que la vie des hommes ne permettait plus en terme de naturel émotionnel et social.

Elle avait cherché dans les textes, mais, trop tard, avait ouvert le philosophique "Monde de Sophie".

Cinq ans au moins depuis Julien s''étaient écoulé, et elle avait tant réprimé, tant cherché la Vie dans la sordide raison commune, que cet ouvrage la mena, jour après jour. à la compagnie blessée et sombre des auteurs morts dans la résignation, plutôt qu'à ceux de la célébration.

 

Ainsi, le sort d'un porc se noua au sien, le sort d'un porc se noua à celui de tous les les Hommes, la vie d'un porcelet, si tendre, si chaud, si vif, se noua à sa première prise de conscience.

 

Aujourd'hui, forte de vingt-huit années de déchirures, forte d'une mort manquée, et d'un vie qui commencée à peine, Laure, bien en peine à ce jour de haïr qui que ce soit, y compris le boucher qui signifia, le jour Terrible, que la viande serait bonne au vue du coeur qui avait été mis à sa formation, l'enfant coulant silencieusement sa Terrible résignation à l'arrière d'une voiture, Laure, si elle n'eût qu'une chose à demander au monde, qu'elle était dorénavant en mesure d'affronter de toute son âme... cette chose aurait été de plier le monde pour qu'il s'effraye de l'injustice liée à l'élevage porcin....

 

Une chose.

 

Mon destin n'est pas sur ce combat....

 

 

L'homme aujourd'hui traite l'enfant de façon si sordide, qu'il se refuse tant sa propre enfance, sa réelle conscience, si pure.... si tendre... si chaude...

 

Que reste-il de notre capacité naturelle à communier avec le monde ?

 

Que nous reste-il de notre confiance, de notre communication ?

 

Il ne reste que des enfants blessés qui cherchent à avaler des frères, des cannibales, des parents...

 

 

* Vincent mon Amour, ma décision de ne plus écrire, de ne plus toucher mots, tu en trouveras la raison sur le blog, que je n'efface pas pour certaines raisons que j'ai trouvées en passant d'un côté qui n'appartient pas au temps.... je n'écris plus...

Les mots...

 

Je continuerai à t'écrire, autant que tu m'aimes, parce que ma sincérité, aujourd'hui, passe pour folie, et cent fois par semaine les autres se détournent de moi. Ils sont mon enfant Laure blessé qui se détournait de son cœur pour survivre...

Ma raison, la seule, est ma fille, si brillante, si douce, si magnifique, qu'elle pliera certainement le monde à la raison de la gamine au cochon.

Si tu la voyais....

 

Elle m'a retourné sur moi-même, m'a forcé à rallier cette enfant que j'ai démolit pour ne pas laissé suicidée...

 

... Je suis forte... parmi le monde, j'ai trouvé d'autres consciences prêtes à me soutenir pour elle...

 

Et je peins, et je crée, et je touche à toutes les matière, le faire si proche de l'aime, le faire si proche de l'être, que les mains, douées, touchent et parlent et communiquent et lient les deux à la fois...

 

Et j'en vivrai, sois-en sûr, j'en vivrai, dégagée de tout "Plaire", simplement surprise que mes dernières gouaches soient mises aux enchères entre mes proches, sans même que j'en sois prévenue... elles partaient au conteners pour laisser place, sur mon contreplaqué, à la présente, dès qu'elles éteient achevées...

 

 

Enfin...

 

:)

 

Amour

Paix

 

*ne mange pas le cochon, pitié, regarde sur wikipedia, son sang et sa chair si proche de la notre obligeant l'homme à se demander... et si... un autre... pouvait vivre pour offrir sa vie... pour la donner à l'Homme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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